dimanche 22 février 2009

JERUSALEM, L'EMANATION DU GEANT ALBION

Jérusalem représente la Mère Primordiale, l'aspect féminin du Dieu Cosmique.

Dans la philosophie indienne, le terme "émanation" renvoie à la notion de pouvoir féminin appelé "Shakti.
Blake représente parfois Jérusalem par une énergie spirituelle, la Kundalini, logée dans l'os du sacrum, elle-même reflet de l'Energie Cosmique Féminine, l'Adi Shakti.

Albion représente le côté masculin de Dieu le Père, Shri Shiva dans la culture indienne. Mais il personnifie également le peuple anglais, que Blake appelle les fils et les filles d’Albion.

Le poème Jérusalem raconte la chute suivie de l’éveil du peuple anglais, apparaissant toujours sous sous les traits d’Albion, en parallèle avec l’éveil du pouvoir féminin de Jérusalem, qui est un pouvoir maternel de compassion et d’amour.

S’y entremêlent les visions et révélations de Blake au sujet d'un mouvement spirituel à venir.

Avec ce long poème, Blake nous dévoile la construction d’une nouvelle Jérusalem dans la ville de Londres, coeur spirituel des terres d’Albion.

samedi 21 février 2009

PROLOGUE









(pl 3) Après m'être assoupi d’un sommeil de trois ans sur les rives de l’Océan, je déploie à nouveau mes Géantes formes pour le public. Mes Géants et mes Fées ont reçu précédemment la plus haute récompense possible : l’amour et l’amitié de ceux avec lesquels être connecté est une bénédiction. Je ne puis donc douter que ce Travail, plus considérable et plus vaste, sera reçu avec autant de bienveillance.
A propos du ton enthousiaste de ce poème, l’auteur espère que le Lecteur ne le percevra pas comme une marque de présomption ou d'arrogance, dès qu’il lui sera rappelé que les Anciens, totalement absorbés par leurs dieux, manifestaient leur amour avec autant d'enthousiasme que moi, lorsque j’exprime l'amour de mon Sauveur et Seigneur. J’espère aussi que le Lecteur sera avec moi, entièrement uni à notre Seigneur Jésus, Dieu et Seigneur de l’Amour, que les Anciens ont vu naître/apparaître , avec tremblements et stupéfaction.



L’Esprit de Jésus réside dans le pardon continuel des Péchés: celui qui attend d’être vertueux avant d’entrer dans le royaume du Sauveur, le Corps Divin, n’y entrera jamais. Je suis peut-être le plus grand pécheur des hommes; je ne prétends pas à la sainteté. Pourtant je prétends aimer, voir, m’entretenir quotidiennement, en face à face, et surtout être attiré par l’Amis des Pécheurs. En conséquence, cher lecteur, pardonne ce que tu n’approuves pas, et aime moi pour cette énergique manifestation de mon talent.

CADENCE DU POEME



Sur la cadence avec laquelle le poème suivant est écrit:

Nous qui demeurons sur Terre, nous ne pouvons rien faire par nous même; tout est dirigé par des Esprits, comme la Digestion et le Sommeil.
Quand ce Poème me fut dicté, je pensais tout d’abord qu’une Cadence Monotone dérivée de l’asservissement modernes de la rime comme celle utilisée par Milton, Shakespeare et tous les écrivains du vers sans rime Anglais, était une chose nécessaire et indispensable à toute Versification. Mais je trouvais très vite que dans la bouche d’un vrai Orateur, cela n’était pas seulement maladroit, mais que c’était aussi une servitude tout aussi importante que la rime elle-même. J’ai donc produit une variété de cadence et de nombre de pieds dans chaque ligne. Chaque mot et chaque lettre a été étudié et mis au bon endroit: les nombres terribles sont réservés pour les parties terribles, les nombres doux et gentils pour les parties douces et gentilles, et les nombres prosaïques pour les parties de moindre importance. La poésie a Enchaîné et continue d’Enchaîner la race humaine. Les Nations sont Détruites ou Fleurissent selon la proportion avec laquelle la Poésie, la Peinture et la Musique sont Détruits ou Fleurissent. L’état Premier de l’Homme était Art, Sagesse et Science.

Lecteur, amoureux des livres, amoureux du paradis
Et de ce Dieu à qui tous les livres sont remis,
Qui, dans la terrible grotte du mont Sinaï
Donna à l’Homme l’art étonnant de l’écriture.
Le voilà qui parle encore à coup de tonnerre et de feu -
Tonnerre de pensées et flammes d’un ardent désir.
Jusqu'aux profondeurs de l’Enfer, j’entends sa voix
J’imprime donc, et mes caractères d’imprimerie ne seront pas vain;
Le Ciel, la Terre et l’Enfer, à l’avenir vivront en harmonie.

LA CONSTRUCTION DE JERUSALEM


(pl 77) On nous dit de nous abstenir des désirs charnels afin de ne pas perdre de temps pour le Travail du Seigneur. Chaque moment perdu est un moment qui ne peut être racheté: chaque plaisir uni au devoir de notre position est une folie irrachetable qui est plantée comme la graine d’une mauvaise herbe au milieu du champ de notre vie. Toutes les tortures du repentir sont des luttes d’enchevêtrement avec des racines incohérentes, des tortures faites de reproches adressés à soi-même dès qu'on abandonne à l’Ennemi la Divine Récolte. Je ne connais pas d’autre Chrétienté ni d’autre Evangile que la liberté d’exercer les Arts Divins de l’Imagination, liberté de corps et d'esprit. Cette Imagination qui est le Monde véritable et éternel dans lequel nous vivrons avec nos Corps Eternels ou Imaginatifs, quand ces Corps Végétatif et Mortels ne seront plus, alors que cet Univers Végétal n’en est qu’une pâle ombre.

Les Apôtres non plus ne connaissaient pas d’autres Evangiles. Quels étaient leurs dons spirituels ? Qu’est-ce que l’Esprit Divin ? Le Saint-Esprit n’est-il pas une Fontaine Intellectuelle ? Quelle est la Récolte de l’évangile et son Labeur ? Quel est ce Talent qu’il ne faut point cacher sous peine d’être maudit ? Quels sont les Trésors du Paradis que nous devons accumuler pour nous même - sont-ils autre chose que les Etudes et les Célébrations du domaine de l’esprit ? Que sont tous les Dons des Evangiles s’ils ne sont pas des Dons Intellectuels ? Dieu n’est-il point un Esprit qui doit être vénéré en Esprit et en Vérité, et les dons de l’Esprit ne sont-ils pas Tout pour l’homme ? Ô vous, Religieux, découragez quiconque parmi vous ayant la prétention de mépriser l’Art et la connaissance ! J’en appelle à vous au Nom de Jésus ! De quoi est faite la Vie de l’Homme si ce n’est d’Art et de Connaissance ? De Nourriture et de Boisson ? Le Corps est-il plus qu’un Vêtement ? Qu’est-ce que la Mortalité, sinon les choses rattachées à ce Corps Mortel ? Qu’est-ce que l’Immortalité sinon le caractère des choses rattachées à l’Esprit, qui vit Eternellement ? Qu’est-ce que la Joie des Cieux sinon une évolution sur le plan des choses de l’Esprit ? Que sont les Douleurs de l’Enfer sinon l’Ignorance, le Désir Charnel, la Vanité et la destruction des choses de l’Esprit ?

Répondez à ces questions et expulsez ceux d’entre vous qui ont la prétention de mépriser l’Art et la Connaissance, qui seuls sont les travaux de l’Evangile: cela n’est-il pas clair et évident à la pensée ? Peut-on envisager, sans être pris du désir irrésistible d'annoncer de tout cœur, qu'œuvrer dans la Connaissance c’est Construire Jérusalem, et que Mépriser le Savoir c’est Mépriser Jérusalem et ceux qui la Construisent ? Souvenez-vous: Celui qui méprise et ridiculise le Don Intellectuel de quelqu’un en l’appelant fierté, égoïsme ou péché, méprise Jésus, source de tous Dons Intellectuels. Ceux-ci apparaissent toujours à l’Hypocrite amoureux de l’ignorance comme dés péchés. Mais ce qui est un Péché aux yeux d’un Homme cruel ne l’est pas aux yeux de notre Dieu bienveillant. Que Chaque Chrétien selon ses possibilités, s'engage publiquement et ouvertement dans une démarche Spirituelle afin de Construire Jérusalem.




(pl 52 . 17) L’homme doit avoir et aura une religion. S’il n’a pas la religion de Jésus, il aura la religion de Satan, et érigera la synagogue de Satan, appelant ‘Dieu’ le prince de ce monde; détruisant tous ceux qui ne vénèrent pas Satan sous le nom de Dieu. Quelqu’un dira-t-il : « Où sont ceux qui vénèrent Satan sous le nom de Dieu ? » Où sont-ils ? Ecoutez ! Toute religion qui prêche la vengeance du péché est la religion de l’ennemi et du vengeur, et pas celle du pardon des péchés; et leur Dieu est Satan, appelé du Nom Divin. Votre religion, O Déistes, le Déisme, est la vénération du dieu de ce monde par le biais de ce que vous appelez Religion Naturelle et Philosophie Naturelle et de la moralité naturelle ou du pharisaïsme, c’est à dire, des vertus égoïstes du cœur naturel.

Ceux qui martyrisent les autres et causent la guerre sont des déistes, mais ne peuvent jamais pardonner les péchés. La gloire de la chrétienté est de conquérir par le pardon. Toute destruction dans l’Europe chrétienne vient du Déisme, c’est à dire de la Religion Naturelle. Mais la religion de Jésus, le pardon des péchés, ne peut jamais être la cause de la moindre guerre ou du moindre martyre.

ALBION REJETTE L'APPEL DE LA DIVINE HUMANITE


Le thème annoncé d’Albion rejette l’appel de la Divine Humanité


L’invitation au développement spirituel, la disparition de Jérusalem, la proximité de l’homme et de Dieu, la léthargie de l’homme face aux réalités spirituelles, tout ces thèmes formant la trame de ‘Jérusalem’ sont ici annoncés dans ce dialogue entre le Christ et Albion. Blake, témoin de ce dialogue, le relate en y incorporant le paysage d’une Angleterre en pleine révolution industrielle.

Du Sommeil d’Ulro*! et du passage à travers
La Mort Eternelle! Et de l’éveil à la Vie Eternelle.
Nuit après nuit, ces thèmes m’appellent dans mon sommeil, et m’éveillent chaque matin
Au lever du soleil; alors je vois le Sauveur penché sur moi,
Répandant ses rayons d’amours, et dictant les mots de cette douce chanson:

« Réveille-toi, Réveille-toi, Ô dormeur du pays des ombres, éveille-toi, grandis!
Je suis en toi et tu es en moi, dans l’amour divin réciproque :
Fibres d’amour unissant l’homme à l’homme, à travers le plaisant pays d’Albion.
Sur toute la sombre vallée Atlantique, depuis les collines de Surrey,
Une eau noire s’accumule. Reviens, Albion, reviens!
Tes frères t’appellent, ainsi que tes pères et tes fils,
Tes nourrices et tes mères, tes sœurs et tes filles
Pleurent ton âme malade,
et la Vision Divine s’est obscurcie.
Ton émanation* ne joue plus comme jadis devant ton visage
Rayonnant au dehors avec ses filles, dans le giron du Divin -
Où as-tu caché ton émanation, cette adorable Jérusalem,
De la vision et de la réalisation du Tout Puissant ?
Je ne suis pas un Dieu lointain, je suis un frère et un ami;
En ton sein je réside, et tu résides en moi.
Dès lors, nous sommes Un, pardonnant toute méchanceté, sans rien attendre en retour. »

Mais Albion, en Homme perturbé s’éloigne et se détourne au loin vers les sombres vallées :
« Fantôme d'un cerveau surchauffé ! Illusion d’immortalité !
Cherchant à garder mon âme victime de ton Amour, qui lie
L’homme ennemi de l’homme dans des amitiés mensongères.
Jérusalem n’est point! Ses filles sont douteuses.
L’homme ne peut vivre que par la démonstration, non par la foi.
Mes montagnes sont miennes, et je les garderai pour moi !
J’y construirai mes lois de Vertus Morales.
L’Humanité ne doit plus être mais seulement la guerre, la tyrannie et la victoire. »

Ainsi parla Albion dans ses peurs jalouses, cachant son émanation,
Sous le Thames et le Medway, rivières de Beulah, dissimulant
Sa jalousie devant le trône divin, obscur, glacial.

Les rives du Thames sont couvertes de nuées, les anciens porches d’Albion sont
Assombris; ils sont entraînés dans un espace sans limite, éparpillé sur
Le Vide dans un désespoir incohérent.

Tremblant, je reste assis nuit et jour; mes amis sont étonnés à ma vue.
Pourtant, ils me pardonnent mes errances. Je ne me repose point de ma grande tâche -
Ouvrir les Mondes Eternels de pensée, ouvrir les Yeux immortels
De l’Homme vers l’intérieur dans les Mondes de Pensée : dans l’Eternité
Grandissant au sein de Dieu, l’Imagination Humaine.
Ô Sauveur, déverse sur moi ton Esprit de douceur et d’amour;
Anéantit mon ego ! Puisses-tu être toute ma vie !
Guide ma main qui tremble excessivement sous le Roc des Ages,
Pendant que j’écris sur la construction de Golgonooza*, et sur les terreurs d’Enthuton*;
Et des terribles fils* et filles d’Albion, et de leur générations.
Ils luttent pour détruire les fourneaux*, pour ruiner Golgonooza,
Et pour dévorer l’humanité dormante d’Albion par faim et par rage.
Les Engrenages tournent lourdement sur les fourneaux*,
Poussant Jérusalem dans l’angoisse de l’amour maternel,
A l’est une colonne de fumée, avec Vala sur les montagnes,
Hurlant de douleur, jaillissant des bras des filles de Beulah*,
Depuis les fourneaux de Los par dessus la tête de Los,
Un nuage de fumée se tordant au loin dans la non-entité, rejaillissant
Jusqu’à ce que la fumée atteigne le lointain, ouverte parmi les Engrenages
Qui tourne lourdement sur le puissant Vide parmi les fourneaux.

De quelle utilité sont les amours et les larmes des adorables filles de Beulah*?
Elles maintiennent la forme immortelle avec de gentils interdits et de tendres larmes;
Mais à l’intérieur, tout est ouvert aux profondeurs d’Entuthon Benython*,
Une nuit sombre et inconnue, indéfinie, incommensurable, sans fin.
La philosophie abstraite est en guerre contre l’Imagination
(Qui est le Corps Divin du seigneur Jésus, bénis pour toujours).
Et là Jérusalem erre avec Vala sur les montagnes,
Attirée par les révolutions des Engrenages, le nuage de fumée
Immense. Et Jérusalem et Vala dans le nuage, pleurant
Errant au loin à l’intérieur du Vide* chaotique, se lamentant avec son ombre
Parmi les filles d’Albion, parmi les Engrenages;
Se lamentant pour ses enfants, pour les fils et les filles d’Albion.

LE SPECTRE DE LOS


Dans la cosmogonie de Blake, le spectre représente l'ego. Il est une manifestation du pouvoir Rationel. Par ses ruses, il nous empêche d'entendre l’appel profond de Jérusalem. Il reproche à Los son amitié spirituelle avec Albion. Los déjoue ses pièges et l’oblige à être son instrument pour sa grande tâche: préserver la lumière de l’éternité au sein de cet âge obscur, sauver Albion. Los se révèle en tant que gardien des enfers, comme Saint Michel.

Los entendit les lamentations de Jérusalem depuis les lointaines profondeurs! Ses larmes coulent
Incessamment devant les Fourneaux*, et ses Emanations* se séparent de lui dans la douleur,
Vers l’Est, en direction des roues étoilées. Mais vers l’Ouest, une horreur noire :
Son spectre[1]*, conduit par les Engrenages des fils d’Albion, noir et
Opaque, séparé de son dos; il peine et gémit !
Car, comme ses Emanations divisaient, son spectre aussi divisait,
Dans la terreur de ces Engrenages. Et le spectre se tint devant Los,
Criant de douleur, une ombre noircissante, noircissante, noir et opaque, Maudissant le terrible Los, le maudissant amèrement pour son amitié
Avec Albion, suggérant des pensées meurtrières contre Albion.

Los rageait et frappait la terre* dans sa puissante colère!
Il se tenait, frappant la terre*! Puis de rage, il jeta son marteau:
Alors il s’assit et pleura, terrifié! Puis il s’éleva
Et chanta sa chanson, avec ses tenailles et son marteau.
Mais le Spectre continuait de diviser, et sa douleur continuait de grandir!
Dans la douleur le Spectre divisait, dans une douleur de faim et de soif,
Pour dévorer la perfection humaine de Los, mais quand il vit que Los
Etait vivant, haletant comme un loup effrayé et hurlant,
Il se tint devant l’Immortel, dans la solitude et l’obscurité
Sur le sombre Thames, à travers toute l’île en direction de l’Ouest,
Une horrible Ombre de Mort parmi les fourneaux, sous
La colonne de fumée. Et il chercha par d’autres moyens
A piéger Los: par des larmes, par des arguments de science, et par des terreurs,
Terreurs en chaque Nerfs, par des spasmes et par des douleurs prolongées;
Pendant que Los répondait sans peur à l’opaque et sombre Démon.
(…)

Et Los parla ainsi: « Ô spectre
Je connais tes apparences trompeuses et tes revanches, et à moins que tu ne renonces
Je créerais assurément un éternel Enfer pour toi. Ecoute!
Sois attentif ! Obéis! C`est assez! Les Fourneaux sont près pour te recevoir.
Je te briserai en morceau et te ferai fondre dans les fourneaux de la mort.
Je te coulerai dans des formes d’horreur et de tourment si tu ne
Renonces pas à ta propre volonté, et n’obéis pas à mon sévère commandement.
Je suis séparé de mes enfants; mon Emanation divise,
Et toi mon Spectre, tu es tourné contre moi. Mais fais attention:
Je t’obligerai à m’assister dans mon terrible travail. Battre
Ces Ego hypocrites sur les enclumes de la Mort Apre.
Je suis inspiré: je n’agis pas pour moi-même mais par amour pour Albion*. »

Pendant que Los parlait, le terrible Spectre tomba devant lui, frémissant,
Observant le moment, avec des yeux rougeoyants, de sauter sur sa proie.
Los ouvrit les Fourneaux. Le Spectre vit, à Babel et Shinar[Associati1] ,
A travers toute l’Europe et l’Asie; il vit les tortures des Victimes.
Il voyait maintenant de l’extérieur ce qu’il voyait et sentait auparavant de l’intérieur.
Il vit que Los était l’unique et incontrôlé Maître des Fourneaux.

Gémissant, il s’agenouilla aux pieds chaussés de fer de Los, sur la pierre de Londres,
Affamé et assoiffé de la vie de Los, prétendant pourtant à l’obéissance,
Pendant que Los poursuivait ses paroles menaçantes, hautes et ardentes:
« Tu es mon Orgueil et mon Pharisaïsme; je t’ai reconnu.
Tu es révélé devant moi dans toute ton ampleur et dans tout ton pouvoir;
Tes prétentions "Incirconcises" à la Pureté doivent être éradiquées,
Ta sainte colère et ta profonde tromperie ne peuvent rien contre moi,
Car je suis l’un des Vivants. N’ose point te moquer de ma furie inspirée. Tant que tu ne t’abstiendras pas de rôder en quête d’une proie, je créerai un éternel enfer pour toi.
(...)
J’ai vu les membres formés par l’exercice, et la beauté de
L’Eternité jugés difformes, et la grâce regardée comme un arbre mort.
J’ai vu la maladie former un Corps de Mort autour de l’Agneau
De Dieu, pour détruire Jérusalem, et pour dévorer le corps d’Albion;
J’ai vu l’embarras s’armer de fer, la folie d’un casque d’or,
La faiblesse d’épine et de griffe, l’ignorance d’un bec vorace.
J`ai vue toute joie d’Emanation interdite comme un Crime,
Et les Emanations enterrées vivantes dans la terre avec le faste de la religion;
J`ai vu l’inspiration déniée, le Génie empêché par des lois punitives.
Terrifié, j`ai vu; J’ai pris les soupirs et les larmes, et les âpres gémissements;
Je les ai porté dans mes Fourneaux pour former l’épée spirituelle
Qui ouvre au grand jour le coeur caché; j’ai traîné au devant les angoisses
De la tristesse rougeoyante; je l’ai accompli sur mon enclume résolue.
Haut et fort retentissent les clameurs de mes fourneaux et l’éclat de mon marteau.
Je travaille jour et nuit, je contemple les tendres états d’âmes
Condensés sous mon marteau en des formes de cruauté,
Mais pourtant je travail dans l’espoir, bien que mes larmes ne cessent de couler,
Pour que celui qui ne défend pas la Vérité soit obligé de défendre
Un Mensonge - qu’il soit attrapé et pris au piège,
Que l’Enthousiasme et la Vie ne cesse pas. Lève-toi, Spectre, lève-toi ! »

Ainsi se combattaient-ils parmi les fourneaux avec moult pleurs et gémissements.
Gémissant le Spectre active les soufflets, obéissant aux regards sévères de Los. (…)
Et Los pousse le Spectre au déplaisant aspect
Dans les Fourneaux et dans les vallées des mortelles Enclumes,
Et dans les montagnes des Enclumes et des puissants Marteaux,
Jusqu`à qu`il amène les fils et les filles de Jérusalem à être
Les fils et les filles de Los, afin qu`il puisse les protéger des
Redoutables spectres d`Albion. Furieux, puissants, formidables, crépitant, les soufflets et les marteaux s’activent sous la main de Los.
Et voici la manière d’agir des Fils d’Albion* dans leur pouvoir:
Ils prennent les Deux Contraires qui sont appelés Qualités, avec lesquels
Chaque Substance[Associati2] est habillée; ils les appellent Bien et Mal.
Ils en font une Abstraction, qui est une Négation
Pas seulement de la Substance à partir de laquelle ils sont dérivés,
Meurtrier de son propre Corps, mais aussi meurtrier
De tout Membre Divin. C’est le Pouvoir Raisonnant,
Un pouvoir Abstrait d’opposition qui Nie toute chose.
C’est le Spectre de l’homme - le Saint Pouvoir Rationnel;
Et sa Sainteté enferme l’Abomination de la Désolation.

Ainsi Los demeure à Londres, construisant Golgonooza*
Obligeant son Spectre à travailler prodigieusement; tremblant de peur,
Le Spectre pleure mais Los reste insensible aux pleurs et aux menaces.

« Je dois Créer un Système, ou être l`esclave de celui d`un autre Homme ;
Je ne vais pas Raisonner et Comparer, mon rôle est de Créer. »
Voici Los en fureur et en force, dans l’indignation et colère brûlante
Tremblant le spectre hurle; ses cris effraient la nuit:
Il frappe autour de l’Enclume, battant des coups de sévère désespoir;
Il maudit les Cieux et la Terre, le Jour et la Nuit et le Soleil et la Lune;
Il maudit Forêts, Printemps et Rivières, Plages et Déserts,
Citées et Nations, Familles et Peuples, Langues et Lois,
Conduit au désespoir par les terreurs et les peurs menaçantes de Los.

Los crie: « Obéis à ma voix et ne dévie jamais de ma volonté.
Si tu refuses, tes tourments actuels te sembleront être de douces brises
Au regard de ce que tu pourrais endurer si tu n’obéis pas à ma noble volonté. »

Le spectre répondit: « Ô que ne puis-je cesser d’être! Désespoir - Je suis Désespoir,
Créé pour être le grand exemple d’horreur et d’agonie, aussi ma
Prière est-elle vaine. J’ai appelé la compassion, la compassion s’est moquée,
La miséricorde et la pitié ont jeté sur moi une pierre tombale, et m’y ont lié pour toujours
Avec des liens de plomb et de fer. La vie vit du fait que je me
Consume, et le Tout-puissant a fait de moi son Contraire,
Pour être absolument mauvais, totalement opposé et pour toujours mort; connaissant
Et voyant la vie, sans pour autant vivre. Comment puis-je alors contempler
Sans trembler? Comment puis-je être contemplé sans être abhorré? »

Ainsi parla le spectre frissonnant, et des larmes noires coulèrent le long de son sombre visage,
Que Los essuya, mais du réconfort, personne n’en pouvait donner, ni même un rayon d’espoir.
Jusqu’alors, il n’avait point cessé de labourer aux rugissements de ses Fourneaux,
Construisant Golgonooza en lutant avec du fer et du cuivre,
Construisant à gros efforts Golgonooza avec du fer et du cuivre,
Jusqu’à ce que ses Fils et ses Filles soient sortis des Fourneaux
Devant le sublime Travail; car Los, par ses puissantes chaînes, obligea
Le Spectre invisible à travailler prodigieusement, avec une immense force,
Suivant les pulsations du temps et les étendues de l’espace,
Luttant avec les Systèmes pour délivrer les individus de ces Systèmes,
Pour qu’à chaque fois qu'un Spectre commence à dévorer les Morts
Il puisse ressentir une douleur pareille à celle de l'homme rongeant ses propres nerfs.
Alors Erin* sortit des fourneaux, et toutes les filles de Beulah
Sortirent des fourneaux, par le puissant pouvoir de Los, pour le bénéfice de
Jérusalem, marchant de haut en bas parmi les étendues d’Erin,
Et les fils et les filles de Los vinrent au dehors dans une adorable perfection.
Et étendues d’Erin couvraient depuis les hauteurs jusqu’aux profondeurs étoilées.

[1] Le Spectre peut être comparé au personnage de Méphisto chez Goethe (il est « l’esprit qui toujours nie »)

[Associati1]Régions d’ou viennent les Assyriens (du Sanskrit ‘assura’, démon) et Babyloniens, qui causèrent tant de destruction. La ligne suivante montre que leur esprit gouverne maintenant le monde moderne.

[Associati2] Allusion à la philosophie rationaliste qui pose l’existence d’une substance comme support des qualités sensibles (telles que ‘rouge’, ‘froid’...). Blake pense avec Berkeley que cette substance n’est qu’une chimère née de l’abstraction.

GOLGONOOZA, CITE DE L'IMAGINATION


Golgonooza représente la ville de Londres éveillée à la spiritualité par les pouvoirs d’imagination de Los, pour protéger ses habitants du chaos d’Ulro et préserver leur vision spirituelle. La description de la cité des arts met en évidence l’aspect quadruple de la vie humaine, ouvrant sur les quatre mondes et les quatre puissances intériorisées en l’homme. La forme de la cité ne va pas sans rappeler le mandala, symbole du Soi.

Los pleura par excès de joie et tous pleurèrent ensembles !
Ils craignirent de ne jamais revoir leur Père, qui
Etait séparé de l’Eternité, dans les collines d’Albion.
Mais quand, après de chaleureuses embrassades, la joie de la rencontre s’estompa,
A nouveau ils déplorèrent: « Ô ! Que nous est-il possible de faire pour l’adorable Jérusalem,
Pour détourner les Emanations des fils d’Albion de la cruauté?(...)
Que pouvons-nous faire pour toi Ô douce Jérusalem ? »

(p651) Et Los dit: « Je contemple avec terreur le doigt de Dieu.
Albion est mort; ses émanations* se séparent de lui,
Mais je sens que je suis en vie, pourtant je sens mes émanations qui se séparent de moi.
(...)Toutefois, pourquoi désespérer? J’ai vu le doigt de Dieu s’avancer
Sur mes Fourneaux, depuis l’intérieur des Roues des fils d’Albion,
Rendant leurs Systèmes permanents par le pouvoir mathématique,
Donnant un corps à la fausseté pour qu’elle puisse être rejeté pour toujours,
Avec la Science Démonstrative perçant Apollon de son propre arc.
Dieu est à l’intérieur et à l’extérieur; il est même dans les profondeurs de l’enfer. »

Telles étaient les lamentations des Travailleurs dans les fourneaux.(...)
Et ils construirent Golgonooza, terrible éternel labeur.

Que font ces bâtisseurs d’or ? Voici que
Les pierres sont faites de pitié et les briques de sentiments bien forgés,
Emaillées d’amour et de bienveillance, et les tuiles gravées d’or,
Travail de gracieuses mains. Les poutres et les chevrons sont faits de pardon;
Le mortier et le ciment sont faits du travail et des larmes de l’honnêteté; les clous
Et les écrous et les attaches de fer, d’une tendresse bien forgée,
Et les mots bien conçus, solides fixations, jamais oubliés,
Réconfortent toujours le souvenir; le sol, est fait d'humilité,
Le plafond, avec la dévotion; les cheminées, par les action de grâce.
Les rideaux, tissés de pleurs et de soupirs, forgés en des formes adorables
Pour le confort. Ici le secret mobilier de la chambre de Jérusalem
Est forgé. Lambeth ! La Fiancée, l’Epouse de l’Agneau, t’aime.
Tu ne fais qu’un avec Elle, et tu t’oublies toi-même source de ta plus profonde joie.
Allez-y, bâtisseurs, avec espoir, même si Jérusalem erre au loin
Sans la porte de Los, parmi les roues Sataniques !

Quadruples sont les fils de Los dans leurs divisions. Et quadruple
La grande cité de Golgonooza: quadruple vers le nord
Et vers le sud quadruple, et quadruple à travers l’est et l’ouest,
L’une dans l’autre à travers les quatre points cardinaux - celle en direction de
L’Eden*, et celle en direction du monde de la génération,
Et celle en direction de Beulah*, et celle en direction d’Ulro*.
(Ulro est l’espace des terribles roues étoilées des fils d’Albion.)
Mais celle en direction de l’Eden est close jusqu’au temps de la rénovation;
Pourtant elle est parfaite dans sa construction, dans ses ornements et ses réalisations.

Et les quatre points cardinaux sont ainsi contemplés dans la grande Eternité*.
Ils sont les quatre visages en direction des quatre mondes de l’humanité
En chaque homme; Ezekiel (Ezéchial en français ) les vit vers les eaux du Chebar[Associati1] .
Et les yeux sont le sud, et les narines sont l’est,
Et la langue est l’ouest, et les oreilles sont le nord.

Et la porte nord de Golgonooza vers Génération
Possède quatre terribles taureaux sculptés, devant la porte de fer,
Des taureaux de fer. Et celle qui regarde vers Ulro,
En terre cuite émaillée, rougeoyant éternellement comme quatre fourneaux,
Tournant sur les roues des fils d’Albion avec un monstrueux pouvoir.

Et celle vers Beulah quatre - d’or, d’argent, de bronze et de fer.
Et celle vers Eden quatre, formée d’or, d’argent, de bronze et de fer.
La quadruple porte de l’ouest est fermée, ayant quatre chérubins
Comme gardes, vivants, travail des mains primordiales (laborieuse tâche!)
Comme des hermaphrodites, chacun doté de huit ailes.
Celui vers Génération, de fer; celui vers Beulah, de pierre;
Celui vers Ulro, d’argile, celui vers Eden, de métal.
Mais toutes portes fermées jusqu’au jour du Jugement, quand les tombes délivreront leurs morts.

La quadruple porte de l’est, terrible et mortelle en ces ornements,
Prenant leur formes depuis les roues des fils d’Albion, comme des dents
Sont formées sur une roue pour s’ajuster aux dents d’une roue averse.(...)

Et chaque partie de la citée est quadruple, et chaque habitant quadruple.
Et chaque marmite et chaque vase et chaque vêtement et chaque ustensiles des maisons
Et chaque maison, quadruple; mais la troisième porte en chacun
Est close comme par un triple rideau d’ivoire, de fine toile et d’hermine.

Et soixante-quatre mille génies gardent la porte de l’est;
Et soixante-quatre mille gnomes gardent la porte du nord;
Et soixante-quatre mille nymphes gardent la porte de l’ouest;
Et soixante-quatre mille fées gardent la porte du sud.

Autour de Golgonooza s’étend le pays de la mort éternelle, une terre
De douleur, de misère et de désespoir, en proie éternelle et ruminante mélancolie.
[Associati2]
Depuis la Coquille bleue du Monde, jusqu’à la Terre Végétative.
L’Univers Végétatif s’ouvre comme une fleur depuis le centre de la Terre :
Dans lequel est l’Eternité.
Celui-ci se répand en étoile jusqu’à la Coquille du Monde,
Et là il rencontre à nouveau l’Eternité, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur.

Et les Vides abstraits entre chaque Etoile sont de Sataniques engrenages,
(mais tout ce qui est visible à l’homme Généré
Est une création de miséricorde et d’amour, depuis le Vide Satanique.)
Le pays d’obscurité flambait, mais sans lumière ni repos ;
Le pays des neiges, des tremblements, était secoué de grêles incessantes ;
Le pays des tremblements de terre et des labyrinthes entrelacés ;
Le pays des ruses et des pièges et des engrenages et des trappes et des affreuses usines ;
Les Vides, les Solides, le pays de brumes et les régions d’eau ;
Le pharisaïsme s'assemblant tous contre la Vision Divine ;
Une Terre Concave, merveilleuse, impénétrable, Abyssale, Incohérente,
Formant la Coquille du Monde, environnant Golgonoza au dessus, au dessous, de tout côté.
Los marche autour des murs de la cité nuit et jour.
Il regarde la Cité de Golgonooza, et ses plus petites citées,
Et tout ce qui a existé dans l’espace de six milles ans,
Permanent et non perdu, ni perdu ni disparu ; et chaque petit acte,
Parole, production où prière ayant existé, tout y est encore,
Abscons à ceux qui ne demeurent pas en eux, simple possibilités,
Mais à ceux qui entrent en eux ils apparaissent comme les seules substances.
Car toute chose existe, et ni un soupir ni un sourire ni une larme,
Un cheveux où une particule de poussière, d’aucun ne peut disparaître.
Toutes les choses s’étant passées sur Terre sont vues dans les claires Sculptures des
Couloirs de Los, et chaque Age régénère ses pouvoirs à travers ces Œuvres
Toutes les histoires pathétiques possibles, depuis la haine jusqu’à l’amour entêté ; et toutes les peines et les détresses sont sculptées ici ;
Toute Affinité Parentale, Maritale, ou Amicale sont là,
Dans toutes leurs diverses combinaisons, façonnées d’un Art merveilleux,
Tout ce qui peut arriver à l’homme dans son pèlerinage de soixante-dix ans.
Telle est la divine loi écrite d’Horeb et de Sinaï,
Et tels sont les Saintes Evangiles des Monts Oliviers et Calvary.

[Associati1]Référence à la vision du prophète dans livre d’Ezekiel, I,1

[Associati2] Il s’agit des labyrinthes de sottise et d’erreur qui entoure le monde mortel. Ils se manifestent le plus dans les religions organisées..

LES ENFANTS DE LA LUMIERE / LES ENFANTS DE L’OBSCURITE:


Ce passage oppose les fils de Los aux fils d’Albion.

Et Los contempla ces Fils et ces Filles -
Chacun une Merveille translucide, un Univers intérieur,
Croissant à l’intérieur en longueur, en profondeur, et en hauteur,
Etoilé et glorieux, et chacun d’entre eux, dans leurs vifs reins,
A une belle porte d’or, qui s’ouvre dans le monde végétatif;
Et chacun a une belle porte de rubis et de pierre précieuse,
Dans leur coeur translucide, qui s’ouvre dans le monde végétatif;
Et chacun a une porte de fer, terrible et magnifique,
Dans leur tête translucide, qui s’ouvre dans le monde végétatif.
Et chacun a les trois régions de l’Enfance, de la Maturité et de la Vieillesse.
Je vois l’Homme Quadruple: l’Humanité dans son sommeil mortel,
Et son Emanation déchue, le Spectre et son ombre cruelle.
Je vois le Passé, le Présent et le Futur, existant en même temps
Devant moi; Ô Esprit Divin, soutient moi de tes ailes,
Que je puisse réveiller Albion de son long et froid repos!
Car Bacon et Newton, gainés d’acier lugubre, crachent leurs terreurs
Sur Albion, tels de métalliques fouets; Raisonnant comme d’énormes Serpents
Enroulés autour de mes membres, meurtrissant mes minutieuses articulations.
Je tourne mes yeux vers les Ecoles et les Universités d’Europe,
Et je contemple la vague Silhouette de Locke[1], dont la sinistre Rengaine divague,
Lessivé par le Moulin de la pensée Newtonienne[2]. Noir, le tissu
Se replie en de lourdes couronnes funéraires sur toutes les Nations. Je voyais
Les cruels Mécaniques de maintes Roues dentées, roue sans roue, avec de tyranniques dents
Se mouvant l’une contre l’autre dans la contrainte; pas comme celles de l’Eden, qui
Roues dans des roues, se meuvent en toute liberté, dans la paix et l’harmonie.

De chacune des Quatre Régions de l’Humaine Majesté,
Il y a un Dehors étendu à l’Extérieur, et un Dehors étendu à l’Intérieur,
Au-delà de la Ligne de l’Identité dans les deux directions, qui deviennent une -
Un Vide* circulaire, fait de doute, de désespoir, de faim et de soif et de tristesse.
Là, les Douze Fils d’Albion, réunis en une sombre Assemblée,
Jaloux des enfants de Jérusalem, honteux de ces enfants
(Car Vala produit les corps, Jérusalem donne les âmes)
Devinrent comme Trois Immenses Roues, tournant l’une contre l’autre
Dans le Non Etre, et leurs rauques tonnerres terrifient les Morts,
Pour tuer leurs propre Ames, pour construire un royaume parmi les Morts.
« Rejetez! Rejetez donc Jérusalem au loin ! l’Ombre d’illusion !
La fille prostitué ! Mère de la pitié et du pardon qui déshonore,
Péché et honte de notre Père Albion! Mais de père, il n’y a plus,
Ni de fils, ni des haïssables paix et amour, ni des douces satisfactions,
Quand les transgresseurs se rejoignent dans l’amitié autour de la table,
Ou sous le porche dans le jardin! Plus de délices coupables
De vieillesse et de jeunesse, de fille et de garçon, d’animal et d’herbe,
De rivière et de montagne, de ville et de village, de maison et de famille,
Sous le chêne et la branche, sous la vigne et le figuier,
Dans l’oubli de soi! Mais la Guerre et la controverse Entre
Le Père et le Fils, entre la lumière et l’amour! Toutes les aspérités escarpées
De ceux qui Haïssent se rencontrent dans de mortels différends, déchirant la maison et le jardin,
Les portiques fermés au pardon, les tables de l’inimité, et les lits
Et les chambres de tremblements et de suspicions; haine de la vieillesse et de la jeunesse,
Et de garçon et de fille, et d’animal et d’herbe, et de fleuve et de montagne, et de maison et de famille: que le Parfait[3][Associati1]

Puisse vivre dans la gloire, racheté par le Sacrifice de l’Agneau,
Et de ses enfants devant Jérusalem la pécheresse. Pour construire
Babylone, la Cité de Vala, la Vierge Déesse Mère.
Elle est notre Mère! Nature! Jérusalem est notre soeur prostituée,
Revenue avec les Enfants de la pollution, pour contaminer notre Maison
Avec le Péché et la Honte. Rejetez-la! Rejetez-la dans le camp des bannis!
Ses enfants, elle doit les massacrer sur nos Autels, et ses vieux
Parents doivent être mis en captivité pour racheter son Ame,
Pour être une Honte et une Malédiction, et pour être notre Esclave pour toujours. »

Ainsi crièrent les plus âgés des fils d’Albion,
Pour détruire le Divin Sauveur, l’Ami des Pécheurs.
p667
Par une Nuit sombre et inconnue,
Albion étendit sur le sol sa géante beauté, dans la douleur et les larmes :
Ses Enfants, exilés de son sein, passent et repassent devant lui;
Ses oiseaux sont silencieux sur ses collines; ses troupeaux trépassent sous ses branches,
Ses tentes sont écroulées; sa trompette et le doux son de sa harpe
Sont silencieux sur ses nuageuses collines, qui vomissent du feu et des tempêtes.
Le lait de ses Vaches et le miel de ses Abeilles et le fruit de sa moisson dorée
Sont recueillis dans la chaleur brûlante et dans la pluie torrentielle
Là où jadis, il était assis, il marche las, dans la misère et la douleur,
Sa Géante beauté et sa perfection réduites en poussière;
Jusqu’à ce que de son sein flétrit, devenu étroit à force de malheurs,
Le grain se transforme en chardon et les pommes en poison,
Les oiseaux chanteurs en corbeaux meurtriers, ses joies en âpres gémissements !
La voix de ses enfants dans ses tentes en cris d’enfants désemparés !
Et, s’étant lui-même exilé de la face de la lumière et de l’éclat du matin,
Il erre de ci et de là dans le monde obscur (une étroite maison!),
Cherchant le repos et n’en trouvant point ! et caché loin au dedans,
Son Emanation (Eon) pleurait dans la terre froide et déserte.

Et les sept maladies de l’âme s’installèrent autour d’Albion.
Jérusalem son Emanation, enfermée dans son sein,
Qui se durcissait de plus en plus alors qu'il concevait intérieurement
Sur l’Abîme de la Mort et du pharisaïsme*, et grondait
[1] John Locke, philosophe anglais matérialiste dénué d’inspiration aux yeux de Blake
[2] Blake s’en prend ainsi au socle de la pensée scientifique. Newton ne comprend pas que la matière est vivante, est l’Imagination.
[3] Blake appelle Satan ‘Le parfait’ : la perfection sans la compassion et le pardon, la morale sans la spiritualité, c’est l’enfer.

[Associati1] Pour Blake, Satan est l’état de celui qui se croit parfait. Le parfait est un autre nom pour le diable.

JERUSALEM ET VALA


Vala est le voile de la Maya, l’aspect extérieur de Jérusalem, qui donne les corps alors que Jérusalem donne les âmes. A l’origine, elles sont une seule et même personne.Mais elles se séparent dans l’âme d’Albion ce qui engendre l’illusion d’une beauté naturelle existant sans beauté spirituelle.
Dans ce passage, Blake montre que reconnaître la Nature comme Mère est une erreur. Celle-ci entraîne Albion dans le royaume d’une nature austère, le royaume de Vala, où la nature apparaît à l’extérieur d’Albion et non plus en son corps : « Les forêts ont fuient, Les mers, les étoiles, le soleil, la lune - rejeté au dehors par ma maladie! ». Albion tombe sous sa séduction et rejette Vala.

Il sombre alors comme Vala et contre Jérusalem qui incarne le pardon dans une logique du péché et de l`apparence. Il pense que le péché peut etre guerri artificiellement, en portant « un corps chaste sur un mental dévergondé », étant recouvert par de « couteuses robes de vertu naturelle ». La vertu naturelle, c`est la vertu égoïste. La véritable vertu est la vertu spirituelle qui ne se manifeste que dans le rejet de l’ego, à travers le Christ. C’est bien le pardon qui est le vrai remède au péché.


Il trouva Jérusalem sur la Rivière de sa Cité, reposant tendrement
Dans les bras de Vala, ne faisant qu’une avec Vala,
Le Muguet de Havillah[1][ASY1] . Et elles chantèrent paisiblement à travers le val de Lambeth,
Par une douce lune de silence nocturne créée par elles,
Avec un ciel ailé répandant sa bleuté aux alentours, et une douce lune,
Se divisant et s’unissant en de multiples formes féminines- Jérusalem
Frémit. S’entremêlant alors en d’éternelles larmes,
Elle aspire à fondre sa Géante beauté sur la rivière reflétant la lune.
Mais quand elles virent Albion sous sa forme déchue, sur le doux val de Lambeth,
Etonnées, Térrifiées, elles planèrent autour de ses membres de Géant.
Alors Jérusalem parla ainsi, pendant que Vala tissait un voile de larmes,
Pleurant, dans les plaidoiries de l’Amour, dans le voile du désespoir :
« Pourquoi m’as-tu enfermée dans les hivers de la vie humaine,
Et fermé les douces régions de la jeunesse et de la vierge innocence,
Où l’ont vit, oubliant toute erreur, sans s’apesantir sur le mal,
Parmi mes agneaux et mes ruissaux, parmi mes oiseaux gazouillants,
Nous réjouissant en toute innocence devant la face de l’Agneau,
Allant et venant devant lui, dans son amour et sa douce affection ? »

Vala réplique, pleurant et tremblant, se cachant derrière son voile:

« Quand l’hiver déchire la famille affamée, et que la neige tombe
Sur les routes des hommes, cachant les sentiers des hommes et des bêtes,
Alors pleure l’errant; puis il regrette ses errances et mesure du regard
La forêt distante; puis l’esclave gémit dans le donjon de pierre,
Le prisonnier, dans les usines d’un inconnu, vendu pour un bien maigre salaire.
Ils regardent leurs vies passées. Ils se rappellent les moments,
Les enfilant sur leurs souvenirs comme sur un fil de détresse.
Tu es ma soeur et ma fille; ta honte est aussi la mienne.
Ne me demande pas quels sont mes chagrins; tu connais déjà tous mes chagrins. »

Jérusalem répondit avec de tendres larmes sur la vallée:

« Ô Vala, qu’est-ce que le Péché pour que tu frémisses et pleures
A la vue de ta Jérusalem jadis aimée? Qu’est-ce que le péché si ce n’est une petite
Erreur et une faute vite pardonnée? Mais la clémence n’est pas un Péché,
Ni la pitié, ni l’amour, ni le bienveillant pardon. Ô! Si j’ai péché
Pardonne et aie pitié de moi ! Ô déplie ton Voile dans la miséricorde et l’amour !
Ne tue pas mes petits, Vierge aimée, fille de Babylone,
Ne tue pas mes enfants ‘amour’ et ‘grâce’, belle fille de Moab.
Je ne peux abandonner la forme humaine. Je lutte, mais je lutte en vain.
Quand Albion fendit ton filet d’or et d’argent entrelacés -
Tu l’as tissé avec art, tu m’as attrapé dans les bandes
D’amour, tu refuses de me laisser partir. Albion contempla ta beauté,
Merveilleuse à travers la grâce de notre Amour, merveilleuse à travers la pitié.
Le voile étincelait de ta clarté dans les yeux d’Albion,
Parcequ’il contenait l’amour et la pitié, parceque nous nous aimions.
Albion t’aima, il fendit ton Voile; il t’embrassa; il t’aima!
Etonné de sa beauté et perfection, tu pardonnais son amour furieux.
Je rejaillissais du sein d’Albion dans ma vierge beauté;
L’Agneau de Dieu me reçut dans ses bras, son sourire planait sur nous;
Il fit de moi sa fiancée et sa femme, et te donna à Albion.
Alors fut une période d’Amour. Oh! Pourquoi est-elle donc passée ? »

Alors Albion rompit le silence et répondit en gémissant:

«Ô Vala! Ô Jérusalem ! Vous réjouissez vous de mes gémissements ?
Vous, Ô formes aimables, vous avez préparé ma mort.
La maladie de la honte me couvre de la tête au pied. Je n’ai plus d’espoir.
Tout furoncle sur mon corps est un péché séparé et mortel.
Le doute d’abord m’assaillit, puis la honte me posséda.
La honte divise les familles; la honte a divisé Albion.
D’abord se sont enfuis mes fils, puis mes filles, puis mes sauvages animations,
Mes troupeaux, et même le chien de ma porte. Les forêts ont fuient,
Les mers, les étoiles, le Soleil, la Lune - rejetés par ma maladie!
Tout est mort éternelle, à moins que l’on ne puisse se faire un corps
Chaste sur un mental dévergondé. Ô Vala, comme tu étais pure!
Que la profonde cicatrice du péché soit refermée par l’aiguille et le métier à tisser,
Couver avec de couteuses robes de vertus naturelles.
Ô puisse cette mort être une anihilation! »

Alors Vala répondit, répandant son voile écarlate sur Albion:

« Albion, ta peur m’a fait trembler; tes terreurs m’ont entourées de toutes parts.
Tes fils m’ont cloué sur les portes, perçant mes mains et mes pieds.
Tout amour est perdu - la terreur et la haine ont succédé à l’amour,
Et la stricte revandication des droits et devoirs a remplacé la liberté.
Jadis tu étais pour moi le fils bien aimé du paradis; mais maintenant,
Où me cacherai-je de ta terrible expression et de tes yeux inquisiteurs ?
J’ai cherché dans l’âme secrète de mon bien aimé,
Dans les sombres replis, j’ai trouvé le péché et ne m’en remettrai jamais. »

A nouveau Albion fit entendre sa voix sous la lune silencieuse:

« J’ai amené l’amour à la lumière du jour, pour m’enorgueillir de la chaste beauté;
J’ai amené l’amour à la lumière, et je suis content que l’innocence ne soit plus. »

Alors parla Jérusalem: « Ô Albion, mon père Albion !
Pourquoi dénombreras-tu chaque fibre de mon âme,
Les étalants au soleil....
La joie d’un nouveau-né est magnifique, mais son anatomie est
Horrible, blême et mortelle; tu ne trouveras en elle
Que le sombre désespoir et la noire mélancolie. »

Albion se tourna alors vers Jérusalem et dit:

« Cache-toi Jérusalem, dans un vide impalpable, sans pouvoir être
Touchée par la main, ou vue par l’oeil humain! Ô Jérusalem,
Puisses-tu ne pas exister et que le lieu où tu résides jamais n’être trouvé!
Mais viens, Ô Vala, avec la coupe et le couteau, vide moi de mon sang
Jusqu’à la dernière goutte, puis cache moi dans ton tabernacle écarlate. »

Jérusalem étendit alors sa main en direction de la Lune et dit:
« Pourquoi la punition devrait-elle tisser le voile avec les roues métalliques de la guerre
Alors que le pardon pourrait le tisser avec des ailes de chérubins ?
Père, jadis miséricordieux ! La pitié est-elle un péché ? Embaumé dans le sein de Vala
Dans une éternelle mort pour le bien d’Albion, notre bien-aimé.
Tu est mon père et mon frère; pourquoi m’a tu caché
Loin de la Divine Vision, mon Seigneur et Sauveur ?»

A ces mots, Albion se tint debout, dans un désespoir sombre et jaloux:
Il sentit que l’amour et la pitié était la même chose - un doux repos,
une complaisance intérieure de l’âme, une annihilation de soi[2].
« Je me suis fourvoyé, je suis honteux, je ne m’en remettrai jamais;
J’ai enseigné à mes enfants des sacrifices de cruautés. Que puis-je répondre?
Je le cacherai des Eternels! Je me donnerai moi-même pour mes enfants!
Quelque soit la direction vers laquelle je me tourne, je contemple l’humanité et la pitié
(...)
Ô Jérusalem, Jérusalem, J’ai délaissé tes cours,
Tes piliers d’ivoire et d’or, tes rideaux de soie et de fine
Toile, ton pavé de pierres précieuses, tes murs de pierre
Et d’or, tes portes de pardons, tes fenêtres de louanges,
Tes nuées de bénédictions, tes chérubins de tendres grâces,
Etendants leurs aîles sublimes sur les petits d’Albion.
Ô imagination humaine! Ô corps divin, je t’ai crucifié,
De toi je me suis détourné pour me tourner vers les déserts de la loi morale.
Là Babylone[ASY2] est construite sur la lande déserte, fondée sur la désolation humaine.
Les murs de Babylone sont des âmes humaines, ses portes sont les gémissements
Des nations, ses tours sont les misères de familles jadis heureuses.
Ses rues sont pavées de destruction, ses maisons faites de mort,
Ses palais faits d’enfer, les tombes et les synagogues avec les tourments
D’un désespoir toujours plus dur, équarris et polis avec une cruelle ingéniosité. »

Tonnitruant, le voile lui échappa des mains, végétant, noeuds après
Noeuds, jour après jour, nuit après nuit; lourd, l’Atlantique indigné
Ondule, ainsi que l’Erythrean (la mer rouge), remuant le fond des profondeurs.
Et on put entendre une grande lamentation en Beulah*. Toutes les régions
De Beulah étaient remuées comme peuvent l’être les tendres intestins; et ils dirent :

« Pourquoi vous vengez vous, Ô vous, fils du puissant Albion,
Plantant ces bosquets de chênes, érigeant ces dragons-temples ?
L’injure, le seigneur la guérrit, mais la vengeance ne peut être guérrie.
Comme les Fils d’Albion ont fait à Luvah*, de même ont-ils
Fait au divin Seigneur et Sauveur, qui souffre avec ceux qui souffrent.
Car pas même un moineau ne peut souffrir, sans que tout l’univers ne souffre aussi,
Dans toutes ses régions, et sans que son Père et Sauveur n’ait pitié ni ne pleure.
Mais la vengance est la destructrice de la grâce et du repentir dans le sein
De l’injurieux - en lequel le Divin Agneau est cruellement massacré.
Descend, Agneau de Dieu, et efface l’accusation du péché
Par la création des Etats* et la délivrance des individus, pour l’éternité, Amen! »
Ainsi pleuraient-ils en Beulah sur les quatres régions d’Albion.
Mais beaucoup doutèrent et désespérèrent, et imputèrent le péché et la droiture
Aux individus et non aux Etats; et ceux-ci dormaient en Ulro.

[1]
[2] La pitié n’est pas la même chose que l’amour. Le premier est une émotion qui inhibe l’action, le deuxième un pouvoir qui incite à l’action. Cette erreur empêche Albion d’agir et le fait se complaire dans sa logique du péché.

[ASY1] ’Havillah’ signifiant en hébreu ‘sable’, le ‘muguet de Havillah’ désigne Vala comme étant la beauté artificielle qui apparait au milieu même de la désolation, comme la beauté d’une femme sans coeur.

[ASY2] Babylone fit captive la ville de Jérusalem.

VALA, TABERNACLE D'ALBION


Albion rejette Jérusalem et se laisse séduire par Vala.
Chaque ornement de perfection, et chaque travail d’amour,
Dans tous le Jardin d’Eden, et sur toutes les montagnes dorées
Etaient devenus une horreur enviée et un souvenir de jalousie;
Et chaque acte un crime, et Albion le juge punitif.

Et Albion parla depuis son secret siège et dit:

« Tous ces ornements sont des crimes, ils sont faits par le travail
D’amour, de consanguinités et d’amitiés artificielles
Horribles à concevoir lorsqu’on cherche à en pénétrer le secret, et toutes
Ces collines et vallées sont les maudits témoins du péché.
Je les condense donc en de solides et stables rochers,
Fondation et certitude et vérité démonstrative,
Que l’homme soit séparé de l’homme; et ici je plante mon siège. »

De froides neiges s’amoncelèrent autour de lui; de la glace couvrit ses reins.
Il s’assit près du ruisseau de Tyburn, sous son talon s’élançait
Un arbre mortel - il le nomma Vertu morale*, et la Loi
De Dieu qui demeure dans le chaos, à l’abri de la vue humaine.
L’arbre déploya sur lui ses froides ombres (Albion gémit).
Ils se penchèrent, sentirent la terre alors que s’enracinaient encore
En plusieurs un arbre; un labyrinthe infini de malheur.
Depuis le sacrifice volontaire de soi-même, jusqu’au sacrifice des (mal-nommé) ennemis
Pour expiation Albion commenca à ériger douze autels,
(... ).
Il les nomma Justice et Vertu. Et les fils d’Albion[1]
Auraient du devenir les premiers sacrifiés, ayant été les premiers transgresseurs;
Mais ils fuirent dans les montagnes cherchant le rachat, construisant une solide
Fortification contre l’humanité divine et la pitié,
Dans la honte et la jalousie pour annihiler Jérusalem.

Tournant le dos à la Divine Vision, son Chaos
spectral apparut devant son visage - mémoire informe.
Alors parla le Chaos spectral à Albion, au froid assombrissant:

« Je suis ton pouvoir rationnel, Ô Albion, et la forme humaine
Que tu appelles divine n’est qu’un vers d’un mètre cinquante de long,
Qui rampe au dehors une nuit et est réduit en poudre au soleil du matin. »

Ainsi parla le spectre à Albion (Il est le grand Ego,
Satan, vénéré en tant que Dieu par les puissants de cette terre,
Ayant un point blanc comme centre à partir duquel se ramifie
Un cercle dans une continuelle giration. Ce cercle devient un coeur,
A partir duquel s’élance divers embranchements variant leurs mouvements
Produisant plusieurs têtes - trois ou sept ou dix, et des mains et des pieds
Innombrables selon la volonté de l’infortuné contemplateur,
Qui devient sa nourriture. Tels sont les manières du pouvoir dévorant).

Et ceci est la cause de l’apparence dans le menaçant Chaos.
L’émanation d’Albion, que ce dernier a caché dans sa jalousie,
Apparaît maintenant dans le Chaos menaçant,
Albion dit: « Qui es-tu toi qui te montres en une obscure apparence,
enveloppant la Vision Divine dans les couleurs d’une maturité automnale?
Jusqu’à ce jour je ne t’avais jamais vue ni n’avait contemplé la vie abstraite,
Ni l’obscurité mêlée à la lumière sur les sillons de mon champ.
D’où viens-tu ? Qui es-tu, Ô bien aimée ? La Vision Divine
N’est rien à côté de toi; toute vie et toute joie est fanée »

Vala répliqua dans des nuées de larmes, enlaçant le vêtement d’Albion:

« J’étais une ville et un temple construit par les fils d’Albion.
J’étais un jardin planté avec beauté; J’ai attiré par delà monts et vallée
La rivière de vie pour qu’elle coule contre mes murs et parmi mes arbres.
Vala était la bien aimée fille de l’éternité, (..) offrant à Jérusalem le sacrifice de l’amour fanatique.
Pourquoi aimais-je Jérusalem ?
Pourquoi n’étais-je qu’une avec elle, embrassant la vision de Jésus?
Pourquoi - aimante - créais-je l’amour alors que cet amour
jamais
N’unit Dieu et l’homme - quand toi et moi cachions la Vision Divine
Dans les nuages d’une obscurité secrète dont tu peux voir qu’elle m’entoure de toute part.
Regarde-moi, Albion ! Sache maintenant que je suis la seule beauté;
La forme humaine d’imagination n’est qu’un souffle de Vala.
Du fond de ma secrète caverne, je le propulse dans les cieux,
Né de la femme pour obéir à la femme, Ô puissant Albion.
Car l’apparence divine est fraternité, mais je suis Amour
Elevé par mes rouges flammes aux hauteurs de la fraternité. »

« Es-tu Vala? » répliqua Albion, « image de mon sommeil?
Ô ! comme je tremble, comme mes membres répandent une peur lactée !
Un vêtement de rosée me couvre de toute part, toute humanité est perdue.
A tes mots et à tes regards, des pieds à la tête la mort m’habille d’un habit de peurs et de mort éternelle.
Ce soleil n’est-il pas ton époux et cette lune ton voile scintillant ?
Les étoiles des cieux ne sont-elles pas tes enfants ? N’es-tu pas Babylone ?
N’es-tu point la Nature, mère de tous ? Est-ce que Jérusalem est ta fille ?
Pourquoi t’es-tu élevée vers l’intérieur, Ô toi, habitante des chambres extérieures,
Depuis les grottes et les cavernes sous la lune, pâle région de la mort
Où sous le brûlant midi j’ai posé ma charrue, laissant paître mon chaud attelage,
Où des outils de guerre sont forgés, la charrue qui doit passer sur les nations. »
[1] Auparavant, la famille d’Albion était unie, mais maintenant il devient hostile à ses enfants. Ceux-ci vont être victime d’une fausse théologie d’après laquelle Dieu demanderait des sacrifices pour réparer le péché.

LOS DENONCE L'ERREUR D'ALBION


Los essaye de détacher Albion de la séduction fallacieuse que Vala opère sur Albion et ses fils.

Et ainsi, Los cria haut et fort aux fils d’Albion:
« J’entend retentir vivement le cris perçant de l’Enfance, et les gémissements
De la Mort, du fond des terribles nuées d’Albion
Ce que peut bien être l’Homme, qui peut le dire? Mais que peut bien être la Femme,
Pour avoir autorité sur l’Homme du Berceau à la Tombe corruptible ?
Il y a un Trône en chaque homme, c’est le Trône de Dieu.
Ce Trône, la Femme l’a proclamé sien et l’Homme n’est plus.
Albion est le Tabernacle de Vala, et son Temple
Et non plus le Tabernacle et le Temple du Très-Haut!
Ô! Albion pourquoi Créerais tu une Volonté Féminine,
Pour cacher le Dieu le plus évident dans une tanière reculée, où même
Dans la silhouette d’une Femme et dans un Lieux Saint isolé du monde,
Que l’on puisse fureter après lui comme après un trésor volé?
Caché parmi les Morts, et muré des sentiers de la vie. »

Ainsi parla Los: Mais quand il vit la mort bleue sur les pieds d’Albion,
Il entra à nouveau dans le Corps Divin, attentif et miséricordieux;
Alors qu’Albion s’enfuit toujours plus indigné, revanchard, couvrant
Son visage et sa poitrine d’une sécheresse pétrifiante, et ses mains
Et pieds, de peur qu’aucun n’entre en son sein ni n’embrasse
Son coeur caché. Son Emanation pleure et tremble en lui,
N’exprimant point sa jalousie, mais la cachant comme pour ainsi dire
Avec du fer et du métal, sombre et opaque, avec des nuages et des tempêtes menaçantes.
Ses forts membres frémirent sur ses hautes et noires montagnes.
Se détournant de l’Amour Universel, pétrifié il allait,
Sa froideur sévissait contre la chaleur de L’Eden, avec de forts
Tonnerres de guerre mortelle (la fièvre de l’âme humaine),
Des feux et des nuages de fumées tourbillonnantes.
Mais le Sauveur le suivait doucement,
Déployant la Vision Eternelle ! La Divine Similitude,
Dans l’amour et les larmes des frères, soeurs, fils et amis,
Qui, dès lors qu’ils ne sont plus contemplés, entraînent l’homme dans la non-existence,
Disant « Albion, nos guerres sont des guerres de vie, et des blessures d’amour,
Avec des lances intellectuelles, et de longues flèches ailées de pensée.
Mutuels dans l’amour et la ferveur qui renouvelle toutes choses
Nous vivons comme Un seul Homme; car contractant nos sens infinis
Nous contemplons la multitude; les dilatants, nous voyons comme un,
Comme Un seul Homme toute l’Universelle Famille, et cet Homme Un
Nous l’appelons Jésus le Christ -et lui en nous et nous en lui,
Vivons dans une parfaite harmonie en Eden, le pays de vie,
Donnant, recevant et pardonnant nos offenses.
Il est le bon Berger, il est le Seigneur et le maître;
Il est le Berger d’Albion, il est complètement en chacun,
En Eden, dans le jardin de Dieu, et dans la paradisiaque Jérusalem.
Et si nous t’avons offensé, pardonne-nous, ne te venge pas contre nous. »

Parlant ainsi, la Divine Famille suit Albion:
Je les vois dans les Visions de Dieu sur les plaisantes vallées.

LES AMIS D'ALBION


Londres est l’un des amis d’Albion. Il essaye lui aussi de le sauver.

Je contemple Londres, une terrible merveille Humaine de Dieu.
Il dit : « Reviens Albion, reviens, je me donne pour toi:
Mes Rues sont mes Idées d’Imaginations.
Eveille-toi Albion, éveille-toi ! Et ensemble éveillons-nous.
Mes Maisons sont des Pensées, mes Habitants, des Sentiments-
Les enfants de mes pensées, marchants dans mes vaisseaux sanguins,
Coupés de ma forme nerveuse qui dort aux confins de Beulah
Dans des rêves de noirceurs, alors que mon sang végétatif, dans de veineux conduits,
Coule terrible à travers les Fourneaux de Los et les Usines Sataniques.
Pour l’amour d’Albion et pour Jérusalem son Emanation
Je me donne, et mes frères se donnent aussi pour Albion. »

Ainsi parla Londres, Gardien immortel,
Car les Villes sont des Hommes, pères vénérables des multitudes, et les Rivières et les Montagnes
Sont aussi des Hommes; tout est Humain, puissant, sublime.
En chaque sein un Univers se déploie, comme des ailes se déployant de tout côté.

Voyant qu’Albion s’était détourné de la Divine Vision
Los dit à Albion: « Où donc fuis-tu ? » Albion répondit:
« Je meurs. Je vais à la mort éternelle; les ombres de la mort
Planent en moi et au-dessous, se répandant elles même à l’extérieur
Comme des nuages rocailleux, me construisant un lugubre monument de malheur.
Quelqu’un ne m’accompagnerait-il pas dans ma mort, où ne voudrait-il pas être une rançon pour moi
Dans cette sombre vallée? J’ai revêtu mon manteau, et à mes pieds
Ai lié ces noires chaussures de mort, et à mes mains ces mortels gants de fer.
Dieu m’a abandonné, et mes amis sont devenus pour moi un fardeau,
Une lassitude, et le pas de l’homme est pour moi une terreur. »

Los, l’âme déchirée, répondit, troublé:
« Les sages doivent-ils mourir pour expier ? La clémence tolère-t-elle l’expiation ?
Non ! C’est la sévérité morale qui détruit la clémence chez ses victimes. »

Parlant ainsi, n’étant pas encore contaminé par l’erreur et l’illusion,
Los frissonna en contemplant Albion, car sa maladie
S’éveilla en lui, pâle et blafarde, et il appela alentour
Les Amis d’Albion...


Los était l’ami d’Albion qui l’aimait le plus. A Cambridgeshire,
Son siège éternel, il est le vingt-huitième, étant quadruple

En pleurs, les amis d’Albion descendirent et tombèrent à genoux autour des genoux d’Albion,
Jurant le serment de Dieu, d’une voix majestueuse et tonitruante
Sur les collines et les vallées; et le nébuleux sermon résonnait largement au loin.

« Albion est malade » entonnait chaque vallée, chaque colline désolée
Et chaque rivière; « Notre frère Albion est mortellement malade.
Il s’est associé à des voleurs, il a étudié les arts
Du doute, la convoitise plane sur lui. Il déteste ses amis,
Ceux qui ont donné leur vie pour lui sont dédaignés;
Ceux qui dévorent son âme sont intégrés en son sein.
Détruire son Emanation est leur intention.
Elevez-vous ! Réveillez-vous ! Ô! Amis du géant Albion;
Ils l’ont persuadé d’horribles fausses conceptions,
Ils ont semé l’erreur sur tous ces champs fruitiers »

Les vingt-quatre amis entendirent.
Oh! Comme les tourments de la mort éternelle pèsent sur l’homme -
Et les déchirantes barricades de la création prêtes à voler en éclat
Pour que le vaste monde puisse sortir de ses gonds, et que l’immortelle résidence
De l’homme soit à jamais possédée par les monstres des profondeurs,
Et que l’homme devienne lui-même un démon, drapé d’une malédiction sans fin,
Consumant et consumé éternellement dans les flammes de la justice morale.

Car le corps d’Albion avait chuté, et de ses terribles ruines,
Sur l’obscurité des profondeurs, s’était détaché l’énorme spectre,
Plein d’inimité pour ceux qui sont miséricordieux et remplis d’un feu dévorant,
Un monde inférieur a dû recevoir le répugnant esprit,
Sous couleur de vertu morale, empli de revanche et de lois,
lié ainsi pour l’éternité, émettant des flammes rouges et des malédictions, avec ses puissants bras brandis contre les cieux,
Respirant la cruauté, le sang et la vengeance, grinçant des dents avec douleur,
Lacéré de noires tempêtes et consumé dans les torrents de ses incessants feux,
En son sein ses puissants fils enchaînés et plein de malédictions,
Et son noir éon (émanation), jadis belle forme cristalline d’une clarté divine,
Produit en ses côtes des serpents dont les âmes sont des flammes de feux,
Mais gloire au Miséricordieux, car il est de tendres grâces !
Et la Divine Famille, tel un seul et unique homme, pleura sur lui.

Et c’est en ces vingt-quatre amis que la Divine Famille
Apparut; et ils étaient un en lui, une vision humaine -
Humaine-Divine, Jésus le sauveur, bénis pour toujours !

Les Vingt-huit tremblaient dans les sombres cavernes de la Mort; dans un désespoir glacial
Ils s’agenouillaient autour des Couches des Morts dans une profonde humiliation
Et dans les tortures de l’auto condamnation, car leurs spectres rageaient en eux.
Les Quatre Zoas* en pleine explosion rageaient, obscurcis,
Buvant les peurs et les amours frissonnant des Familles d’Albion
Qui, par une affection égoïste, détruisaient les choses qu’elles admirent le plus,
Buvant et mangeant, et s’apitoyant et pleurant, comme à une scène tragique
L’âme boit le meurtre et la revanche, et applaudit à sa propre sainteté.
Ils virent Albion lutter pour détruire leurs Emanations.

Ils virent leurs Roues pleines de poison s’élever contre Albion:
Urizen*, froid et scientifique; Luvah*, s’apitoyant et pleurant;
Tharmas*, indolent et morose; Urthona*, doutant et désespérant;
L’un victime de l’autre; conspirant l’un contre l’autre
Pour empêcher Albion de se promener parmi les Quatre Tempéraments.

Alors Los devint furieux, rageant: « Pourquoi restons-nous ici tremblant autour,
Demandant de l’aide à Dieu, et non à nous-même en qui Dieu demeure,
Etendant une main pour sauver l’Homme dans sa chute : Ne sommes nous pas Quatre,
Contemplant Albion au bord du Précipice, prêt à sombrer dans la Non-Entité,
Voyant ces Paradis et ces Enfers se réunissant dans le Vide. Paradis construits sur des Enfers
Ruminant dans une sainte soif hypocrite, buvant les cris de douleurs
Des victimes hurlantes de la loi, construisant des paradis à vingt-sept dimensions.
Gonflées et enflées, les Formes Générales répugnent à la Divine
Humanité, qui est la Seule Forme Générale et Universelle
Que chaque caractéristique cherche avec amour et sympathie.
Tous les principes clairs et généraux appartiennent à la bienveillance
Qui protège les minutieux particuliers, chacun dans sa propre identité.
Mais là, le tendre toucher de la langue est empêché par de mortelles dents
Et le doux sourire de l’amitié et le soleil levant de la bienveillance
Deviennent un filet et un piège ; et chaque énergie est rendue cruelle,
Jusqu’à ce que l’existence de l’amitié et de la bienveillance soit déniée :
Le vin de l’Esprit et les vignobles du Très-Haut
Se changent ici en une stupeur empoisonnée et une intoxication mortelle :
Qu’ils puissent être condamnés par la loi et que l’Agneau de Dieu soit tué !
Et les deux Sources de la Vie dans l’Eternité, la Chasse et la Guerre,
Deviennent les Sources de la Mort sombre et âpre, et de l’Enfer corrosif
Le coeur ouvert est fermé par des téguments de silence glacial.

Un pseudo art pour détruire l’art ! Une prétendue liberté
Pour détruire la liberté, une prétendue religion pour détruire la religion!
(36.69)Je vois l’Amérique mise de côté, et Jérusalem conduit par la terreur?
Hors des montagnes d’Albion, loin des tours de Londres.
Je ne vais pas endurer cela ! Moi seul résiste jusqu’à la mort
A cet outrage. Mais, comme vous êtes maladifs et pâles vous qui vous tenez autour de moi (!)
Mais, Ô! Pitoyables amis, allez-vous vous aussi dans la vallée de la mort ?
Vous tous, mes frères et amis, vous, mes bien aimés compagnons,
Avez-vous aussi attrapé l’infection du péché et de l’austère repentir ?
Je vois en vous la maladie qui gagne du terrain. Mais, parlez-moi et donnez-moi
Du réconfort. Pourquoi gardez-vous le silence ? Moi seul
Reste en pleine possession de mes forces. Ou est-ce que toute cette bonté et pitié
Ne sont là que pour que vous vous vengiez d’autant plus dans votre tombe ? »

Ainsi parla Los. Les Amis d’Albion se tenaient autour de la maison de la mort,
Au beau milieu des tentations et du désespoir, parmi les chênes enracinés,
Parmi les rochers érigés des Fils d’Albion. Ils s’élevèrent longuement
En un consentement d’amour sublime, comme sur des ailes de chérubins,
Ils entourèrent Albion et d’une tendre violence, pour le ramener
Contre sa volonté à travers la porte de Los en Eden. Quadruples, puissants,
Leurs ailes battaient l’abîme immense, pour porter
Leur terrible charge jusqu’à son pays d’origine. Mais Albion, sombre,
Répugnant, actionnait ses roues dans le sens inverse, vers la non-entité. (....)
Puissantes, les roues étoilées d’Albion tournent dans les mondes de la mort,
Obstruant les portes de Los par des nuées jaillissant des terribles roues d’Albion,
Pour que chaque particule d’air et de lumière devienne opaque,
Noire et immense, une montagne de difficulté et une falaise de sombre désespoir.

LE COEUR HUMAIN FERME




Ce passage décrit l’incarnation de Jérusalem sur terre, qui correspond à la venue de Shri Mataji.

Au-dessous du fond des tombes, à l’articulation centrale de la terre,
Il y a un endroit où tous les contraires sont également vrais
(Protégeant des coups dévastateurs de l’intellect,
Du coup de tonnerre éclatant au beau milieu de la tendresse, et de l’amour qui tue son bien-aimé).
Depuis ce doux lieux, l’amour maternel éveilla Jérusalem.
Avec un serrement de cœur, elle renonça à l’univers adorable de Beulah
Où aucune dispute ne peut venir, créé pour ceux qui dorment.

Tout Beulah était en pleur, et toutes les filles de Beulah
Pleurèrent pour leur sœur Jérusalem, fille d’Albion,
Quand, hors de Beulah, celle-ci descendit
Solennellement affligée, hors des reflets de lune et des collines de Beulah,
Jusqu’à l’intérieur du cœur humain fermé, pour tâter solennellement son pouls.

Et la terrible séparation se manifeste de la sorte:
Les émanations des amis d’Albion douloureusement affligés
Se concentrent en une forme féminine, une femme âgée pensive.
Etonnées, adorables, embrassant l’ombre sublime, les filles de Beulah
La contemplèrent avec émerveillement. Avec de terribles mains elle prit
Un moment de temps, l’étirant avec beaucoup de larmes et d’afflictions,
Et beaucoup de tristesse au travers de la vallée Atlantique (... )
En un arc-en-ciel d’or et de rubis - douce image de la
Terrible tombe d’Albion, huit mille cinq cent ans (...)
Elle prit aussi un atome d’espace, l’ouvrit avec une terrible douleur en son centre
En Beulah; tremblantes, les filles de Beulah séchèrent
Ses larmes.
(..)
Los aussi la vit dans son septième fourneau, il vit aussi, terrifié,
Le doigt de Dieu avancer sur son septième fourneau,
Loin des roues étoilées, pour préparer une place à Jérusalem.

Et Erin parla ainsi aux filles de Beulah, avec de douces larmes :

« Albion le tourbillon des morts, Albion le généreux,
Albion le plus doux des fils du paradis, le lieu du saint sacrifice,
Où les amis meurent l’un pour l’autre ! - va devenir un lieu
De meurtre, de rancune, et de sacrifice des ennemis.
(...) Tous les géants d’Albion sont devenus
Faibles, fanés, sombres, et Jérusalem est rejetée loin d’Albion.
Ils nient avoir jamais connu Jérusalem, où avoir jamais demeuré en Shiloh. (...)
Les poumons, le cœur, le foi se contractèrent au loin, loin de l’homme
Et ne laissèrent qu’une petite substance vaseuse flottant au gré des marées. (...)49.20:
Les Visions de l’Eternité, à force de perceptions bornées
Sont devenues de faibles Visions de Temps et d’Espace; fixées dans les replis de la mort;
Jusqu’à ce que l’honnête homme n’ait plus comme moyen de défense qu’une profonde dissimulation.
Ô! Polype de Mort, Ô! Spectre sur l’Europe et l’Asie,
Rapetissant la forme humaine par des lois de Sacrifice pour le Péché,
Je suis asséchée par des lois d’Horreur et de Chasteté.
Luttant pour créer un Paradis dans lequel tous seraient purs et saints
Dans leur Propre Egoïsme, dans une Chasteté Naturelle Egoïste pour bannir la Pitié
Et le précieux Pardon Mutuel; et pour devenir un grand Satan
Esclave du plus puissant Egoïsme: pour tuer la Divine Humanité (..).
Ah! Faible et loin du droit chemin: Ah! Enfermé dans d’étroites perceptions et de tristes formes !
Chair reptilienne rampant sur le sol:
L’Oeil de l’Homme, un petit globe étroit, sombre et refermé,
Contemplant à peine la Grande Lumière, conversant avec le sol.
L’oreille, une petite coquille, écartant par de petites envies
Les Vraies Harmonies, rapetissant la grandeur en quelque chose de très mesquin);
Les narines, tournées vers la terre et bouchées par une chaire insensible,
Que les odeurs ne les puissent ouvrir, et qu’elles ne puissent exulter de joie:
La langue, remplie par une petite moisissure, lassée par de faible quantité de nourriture,
Elle émet un petit son, et ses cris sont à peine audibles;
Ainsi les fils d’Albion sont-ils effacés (...); alors, ils s’éveilleront à nouveau depuis l’ego
Jusqu’à la dissolution de l’ego dans les cours de Jérusalem et en
Shiloh, l’Emanation Masculine, parmi les fleurs de Beulah.
Vois ! Shiloh demeure sur la France, comme Jérusalem sur Albion. (...)
Dépêchez, Dépêchez, Dépêchez-vous, vous fils végétatif d’Albion,
Il se peut que le Soleil parvienne avant toi au jour, et que la Lune parvienne
Avant toi à la nuit. Allez, allez, allez ! Le Seigneur
Jéhovah est devant, derrière, au-dessus, au-dessous, autour.
Il a construit les voûtes des tombes d’Albion, assemblant les étoiles
Avec compassion, inclinant les lois de sacrifice vers la paix.
Eloignés d’Albion, les fils d’Albion
Commencent à former des paradis et des enfers en d’immenses
Cercles, les enfers comme nourriture pour les paradis, nourriture de tourment,
Nourriture de désespoir: ils boivent les âmes condamnées et se réjouissent
D’une cruelle sainteté dans leurs paradis de chasteté et d’incirconcision.
Pourtant, on ne peut les blâmer, et l’iniquité ne peut être imputée seulement
Qu’aux états qu’ils ont pénétrés, afin qu’ils puissent être délivrés.
Satan est l’Etat de la mort, et non une existence humaine - (...)
Un monde dans lequel l’homme est par nature l’ennemi de l’homme -
Car le mal est créé en un état, pour que les hommes
Puissent être délivrés (de temps à autre, temps après temps) pour toujours. Amen.
Apprenez donc, Ô sœurs, à distinguer l’homme éternel
Qui se promène parmi les pierres de feu, dans la béatitude et le désespoir
Alterné, de ces états ou mondes dans lequel l’esprit voyage.
C’est là la seule signification au pardon des ennemis. »
Ainsi parla Erin

....
Viens, Ô toi Agneau de Dieu, et emporte le souvenir du péché!
Pécher et cacher le péché dans une douce illusion est mignon !!
Pécher au grand jour est cruel et sans pitié. Mais
Enregistrer le péché pour le reprocher, laisser le Soleil se coucher
Dans le souvenir du péché, est une malédiction et une horreur,
L’aurore d’un jour mauvais et un soleil qui se lève dans le sang.
Aussi, viens Ô Agneau de Dieu, et emporte le souvenir du péché !

VICTOIRE DU SPECTRE


A partir de là, la négativité va se déchaîner : elle sait que sa fin est proche car Jérusalem est présente sur terre.

Mais Los (..) pleurait avec véhémence pour Albion (...).
Et les racines de l’arbre d’Albion (voir 28.14 19) pénétraient l’âme de Los,
Comme il s’asseyait devant ses fourneaux dans une toile de soie,
Dans une douleur rongeante qui le séparait de son émanation -
Enfermant tous les enfants de Los (au fil du temps).

Leurs formes géantes se condensaient en nations et peuples et langues ;
Diaphane les fourneaux, de Béryl et d’émeraude immortelle,
Et à sept dimensions chacun l’un dans l’autre; incompréhensible
A l’œil mortel végétant à la vision unilatérale et pervertie.
Les soufflets sont les poumons animaux; les marteaux, le cœur animal ;
Les fourneaux, l’estomac pour la digestion. Terrible, leur furie est
Comme sept cieux brûlants, alignés du sud au Nord.

Là, sur les rives du Thames, Los construit Golgonooza, (...)
- mais Albion chutait, un fragment rocailleux d’éternité précipité
Par son propre spectre*, qui est le pouvoir rationnel en tout homme,
Dans son propre chaos, qui est la mémoire entre l’homme et l’homme.

La rumination silencieuse de la revanche mortelle, jaillit depuis la
Toute-puissante affection parentale, remplit Albion des pieds à la tête.
Voyant ses fils assimilés à Luvah*, liés par les liens
De la haine spirituelle, de laquelle jaillit l’amour sexuel comme des chaînes de fer,
Il s’agite comme un voile tendu sur les ruines de Jérusalem
Qui s’étendent sur toute la Terre; Il gémit parmi ses porches en ruines.

Mais le Spectre*, comme une gelée blanche et comme une moisissure s’élève sur Albion
Disant: « Je suis Dieu, Ô fils des hommes ! Je suis votre pouvoir rationnel !
Ne suis-je pas Bacon* et Locke* qui enseigne à l’homme l’humilité,
Le doute et l’expérimentation ? Et mes deux ailes, Voltaire, Rousseau ?
Où est cet ami des pécheurs, ce Rebelle contre mes lois
Qui enseigne la foi aux nations, et une vie éternelle inconnue ?
Viens-là dans le désert et change ces pierres en pains !
Homme stupide et vain ! Vas-tu croire sans expérimentation ?
Et construire un monde de fantaisies sur mon grand abîme,
Un monde de formes, dans le désir intense et l’appétit dévorant ? »
Ainsi parla le spectre contrit et froid.
(...)
Les spectres des morts hurlaient autour des porches de Los
Dans la terrible haine héréditaire des citées et des villages d’Albion,
Pour dévorer le corps d’Albion, affamant et assoiffant et dévorant.
Les fils de Los les habillent et les nourrissent, et leurs donnent maisons et jardins ;
Et toute forme humaine végétative dans ses replis intérieurs
Est une maison d’agrément et un jardin de délice, construit par les
Fils et les filles de Los en Bowlahoola et en Cathedron.p794